Une immersion ludique dans l'art contemporain

C'est un fait : même un établissement aussi illustre que le Musée de Grenoble ne peut montrer tous les jours l'ensemble des pièces de sa collection. En outre, les occasions de mieux connaître l'art contemporain ne sont pas aussi fréquentes qu'on pourrait l'espérer. C'est ce double constat qui me pousse à dire qu'En roue libre, la toute nouvelle exposition temporaire de l'établissement grenoblois, mérite bien qu'on s'y attarde. Je l'ai moi-même découverte vendredi dernier. D'emblée, une confidence : au-delà des nombreuses œuvres présentées, c'est aussi la démarche du Musée qui m'a séduit.

Bridget Riley, For Gengi, 1995-1996 (c) ADAGP, Paris 2022
(c) Ville de Grenoble / Musée de Grenoble - J.-L. Lacroix

L'exposition a été conçue (je cite) comme "une balade à travers la collection d'art contemporain". Pas question donc d'opposer les esthètes confirmés, qui viennent voir ce qu'ils connaissent déjà peu ou prou, avec les curieux, qui hésitent parfois à pousser la porte d'un établissement culturel, de peur de ne rien ressentir ou comprendre face à ce qu'ils verront. Pour tout dire, je me sens un peu entre les deux, curieux de découvrir nombre d'expressions artistiques, mais pas certain d'aimer ou de savoir analyser tout ce que mes sens peuvent capter. Et alors ? Si l'art contemporain peut parfois sembler loin de nous, il n'y a pas lieu d'en faire une montagne. Au contraire, il est plaisant d'aller vers lui sans se poser de questions existentielles sur son accessibilité et en ayant juste accepté de se laisser surprendre. Et ce n'est pas très difficile, au fond ! Si cela peut vous rassurer, notez bien que j'ai testé pour vous : l'expérience, déroutante parfois, s'est avérée fort agréable...

Je veux citer encore Guy Tosatto, directeur du Musée de Grenoble, et Sophie Bernard, conservatrice en chef responsable des collections modernes et contemporaines : "Cette exposition se veut à la fois une initiation à la diversité des formes contemporaines et un moyen pour le visiteur de concevoir de manière plus personnelle son propre itinéraire". Une occasion rare d'approcher de près un univers foisonnant et certaines œuvres rarement montrées et rassemblées autour de thèmes imaginaires, "privilégiant plutôt une approche spontanée, voire ludique". Pas question donc pour les équipes de spécialistes d'imposer un regard particulier : chacun est au contraire invité à "se familiariser avec des formes parfois énigmatiques, étranges, surprenantes, belles ou laides, sérieuses, graves ou simplement drôles". Le journal édité pour l'occasion indique également : "L'exposition cherche à saisir le visiteur là où il ne s'y attend pas, pour le conduire en toute complicité, au plus près de sa perception, dans une proximité décomplexée et que l'on espère fructueuse avec ces œuvres". Cette déclaration d'intention me semble à elle seule démentir ceux qui imaginent l'art réservé aux professionnels (ou à une prétendue élite) !

Bertrand Lavier, Manutan/Kind, 1987 (c) ADAGP, Paris 2022
Photo : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble - J.-L. Lacroix

Vous avez dit bizarre ?
, La nature et les rêves, Objets du délit, Mauvais genre, Travelling, Musique concrète... les thématiques choisies résonnent comme autant d'énigmes que le visiteur-enquêteur sera amené à percer grâce à sa sensibilité personnelle. Elles suggèrent aussi que les œuvres présentées établissent parfois des ponts entre diverses formes d'expression. Un exemple qui a particulièrement touché ma fibre cinéphile : les très étranges clichés du photographe japonais Hiroshi Sugimoto, prises dans les cinéma et drive-in américains. Par la magie de la pose lente, le film projeté disparaît ou plutôt se réduit à une grande image blanche, ouverte à toutes les interprétations possibles. D'autres pièces actuellement présentées au Musée font écho à des thématiques d'actualité : ainsi d'un saisissant portrait de femme nue signé Sophie Calle qui, presque grandeur nature et tailladé par plusieurs coups de ciseau, pourrait servir d'illustration criante à qui lutte contre la violence faite aux femmes - le cartel qui l'accompagne étant lui aussi des plus éloquents. Conclusion personnelle : invité à la visite de presse, j'ai très envie de retourner voir En roue libre dans quelques semaines pour mieux m'imprégner de ce que les artistes mis en avant nous disent du monde actuel. Apprécier leurs travaux me fait d'autant plus envie qu'ils sont originaires de plusieurs pays et que la carrière de certain(e)s d'entre eux n'est pas terminée !

----------
En roue libre - Au Musée de Grenoble jusqu'au 3 juillet

Commentaires