Le déclic, c'est la claque !

Avez-vous vu Illusions perdues ? J'estime que l'adaptation cinématographique du roman de Balzac par Xavier Giannoli n'usurpe ni les sept César décrochés le mois dernier, ni le relatif succès public qui est le sien (945.000 entrées à ce jour). Ce beau film a un autre mérite : il remet en lumière la claque, une pratique jadis en vigueur dans les théâtres et maisons d'opéras. Elle consistait à payer une partie du public pour applaudir ou huer la pièce du moment, garantissant sa réussite ou son échec retentissant ! Et ce sera aussi le thème et le titre d'un spectacle au Théâtre en Rond de Sassenage samedi...


Fred Radix y arrive en habitué des lieux. Il y est venu plusieurs fois et notamment pour présenter Le Siffleur, sa création précédente, un véritable "carton" sur les planches, puisque déjà joué à quelque 600 reprises, en France comme à l'étranger. Cette fois, l'auteur, metteur en scène, comédien, siffleur, compositeur et chanteur (ouf !) ne sera pas seul : il va débarquer sur scène avec deux complices qu'il a lui-même choisis, Alice Noureux et Guillaume Collignon. Toute ressemblance éventuelle avec des personnes ayant réellement existé ne sera pas fortuite : on retrouvera notamment le personnage d'Auguste Levasseur, la copie presque conforme du chef de claque en poste à l'Opéra de Paris à la fin du 19ème siècle. Pour l'accompagner, il pourra au moins compter sur son brave assistant, le fidèle Dugommier, et une musicienne d'orchestre, Fauvette, pour faire bonne mesure. Ce ne sera sûrement pas trop quand il lui faudra faire face à un problème imprévu : l'absence de tous ses claqueurs, pourtant embauchés quelques jours auparavant en prévision de la première d'un nouveau spectacle. Sans trahir de grand secret, je pense pouvoir dire que c'est là que le public sera censé intervenir...


Autant le souligner : Fred Radix, que j'ai eu au téléphone il y a quelques jours entre deux dates de sa très longue tournée, m'a paru se réjouir pleinement de pouvoir donner une petite leçon d'histoire. "Quand on parle de la claque, on la montre souvent comme apparentée à la mafia, payée par certains directeurs de théâtre pour détruire le spectacle de l'établissement voisin, m'a-t-il expliqué. Or, à partir de 1850, les parterres où les spectateurs se tenaient debout furent équipées de chaises. L'idée était d'assainir le public, mais le théâtre s'est alors embourgeoisé. La catastrophe, c'est que ce même public bourgeois était habitué aux interactions avec la salle. On est donc retourné chercher de véritables chefs de claque. Des écrits d'époque nous disent qu'ils avaient de fait autant d'importance que le metteur en scène ou le compositeur alors en représentation. J'essaye de mettre en valeur de manière ludique la manière dont les claqueurs ont ainsi retrouvé leurs lettres de noblesse". Idée qu'il exprime sans nostalgie pour la pratique elle-même, même s'il confie regretter de ne pas avoir vécu en ce temps où les comédiens pouvaient jouer des extraits de leurs pièces devant les théâtres, dans l'espoir d'y attirer les spectateurs !


J'ai également demandé à cet amoureux du spectacle de rue ce qu'il dirait, lui, pour motiver quelqu'un à pousser la porte d'un théâtre. Il m'a assuré que c'était le combat qu'il menait depuis plusieurs dizaines d'années... et surpris avec un propos inattendu : "Je viens d'abord du milieu du rock alternatif et, il y a 25 ans, on a proposé à mon groupe de jouer dans un festival de théâtre. En cette occasion, on a compris qu'avec notre formation guitare-basse-batterie et nos textes semi-humoristiques ou semi-engagés, on s'était auto-enfermés dans une certaine esthétique. C'est comme ça que j'ai commencé à faire du théâtre en extérieur, gratuitement, avec du coup ce vrai défi pour les artistes de convaincre les gens de s'installer pour les regarder. Une dimension sociale qui ressort de mes spectacles, que j'essaye de rendre intelligents. Je les conçois en fait pour permettre au public d'apprendre quelque chose ou pour l'inciter à se renseigner sur tel ou tel aspect. Je mise pour cela sur le fond historique, mais aussi beaucoup sur l'humour. On va avant tout au théâtre pour se détendre. C'est bien sûr un peu plus cher que le cinéma et nettement plus cher que Netflix, mais vivre une expérience dans un théâtre n'a pas réellement d'équivalent". Pour donner le meilleur de lui-même, Fred Radix compte évidemment aussi sur ses deux partenaires, avec lesquels il joue pour la première fois avec ce spectacle, mais dont il assure qu'il suivait déjà la progression depuis un certain nombre d'années. "Alice et Guillaume sont les premiers que j'ai contactés : j'avais très envie de travailler avec eux et ils ont répondu présent". Bonne nouvelle : il paraît que le public peut lui aussi ressentir la qualité de cette rencontre humaine et artistique...

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Les prochaines dates en Auvergne-Rhône-Alpes :

- au Théâtre en Rond de Sassenage (Isère) le 19 mars,
- au Quai des Arts de Rumilly (Haute-Savoie) le 31 mars,
- à l'Espace Jean-Poperen de Meyzieu (Rhône) le 7 avril,
- à la Passerelle de Saint-Just-Saint-Rambert (Loire) le 15 avril,
- au Centre culturel Le Sou de La Talaudière (Loire) le 16 avril,
- à la Salle Léon-Curral de Sallanches (Haute-Savoie) le 3 juin.

Et la traditionnelle mention de copyright...
Les photos que j'ai utilisées aujourd'hui sont l'œuvre de Magali Stora. Un très grand merci à elle pour ces belles images !

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