Quatre sœurs... et un mystère

Un intérieur. Quatre filles. Chacune a les pieds nus et une robe blanche qui lui descend jusqu'aux genoux. Quatre sœurs. Leur mère a disparu et ne donne plus la moindre nouvelle. Leur père est parti et, semble-t-il, leur fait parvenir de l'argent pour qu'elles subviennent à leurs besoins. Qui sont-elles ? Que font-elles ? Où sont-elles vraiment ? Un voile de mystère entoure d'emblée Les Demoiselles du pont, une pièce coécrite par Aurélie Preux et Claude Romanet, à l'affiche du Théâtre Prémol demain et les trois premiers jours d'avril (cf. ci-dessous). Ses auteurs la présentent comme un thriller fantastique...


Pour l'heure, je n'ai pu en juger qu'à partir de courts extraits, présentés publiquement lundi et jeudi la semaine dernière. Expérience assez agréable et intrigante pour me donner envie de découvrir la pièce en entier... dès que ce sera possible ! Par chance, Claude Romanet a également accepté de m'en dire un peu plus : "Les sœurs n'ont pas de nom, mais bien assez de différences pour qu'on les distingue facilement. Elles doivent apparemment raconter à quelqu'un une journée particulière. Un moment de bascule dans leur vie". Toutes choses qu'un spectateur attentif saura percevoir dès les premières répliques.

Plutôt que d'entrer dans le détail de ce qui arrive ensuite, j'ai préféré parler avec le co-auteur de l'origine de cette pièce. "Tout est parti de notre envie, avec Aurélie Preux, d'écrire à deux et de collaborer, m'a-t-il alors expliqué. J'aimais son écriture et elle aimait aussi la mienne. Nous sommes partis d'une histoire vraie, un point de départ qui apparaît encore en filigrane. Nous avons également conservé le rebondissement final et le contexte, comme le public le découvrira devant le spectacle. Cela nous a donné une matière première. Nous avons ensuite imaginé ce dont nous voulions parler et la manière de le faire". Sans trahir le secret de l'intrigue, Claude Romanet indique que ce n'est pas un hasard si les quatre personnages féminins sont enfermés dans un décor... sans le moindre mur. "Ceux que l'on se donne sont parfois intérieurs et c'est l'un des thèmes de la pièce". Une pièce écrite de longue date, avant le début de la crise sanitaire : qu'elle résonne avec les récents épisodes de confinement forcé ne serait pas étonnant, mais pour le moins fortuit. De fait, cela ne semble guère inquiéter la troupe...

"Chacun trouvera dans la pièce un écho avec ses propres questionnements, juge Claude Romanet. Quelles sont nos limites ? Qui les pose ? Comment et pourquoi ? A-t-on des limites que l'on ne perçoit pas et qui sont donc infranchissables ? La pièce évoque aussi un père qui essaye de protéger ses filles et qui, dès lors, les contraint. Cela fait pas mal d'échos aux questions d'aujourd'hui au sujet de l'émancipation et des barrières que, fille ou garçon, on peut s'imposer parfois, du fait de notre genre". Claude Romanet se tient prêt à en débattre après toute représentation. Il apprécie ces échanges informels avec le public.


Le metteur en scène, que j'ai connu comme comédien et directeur artistique du Festival de la Cour du Vieux Temple, souligne qu'il est le seul homme engagé dans cette production théâtrale. Aurélie Preux cumule les fonctions de co-autrice et de comédienne, monte sur les planches avec Agathe Petrini, Hélène Rassendren et Flore Simon. La petite équipe technique est 100% féminine : Helena Castelli aux lumières, Maya Hamburger aux décors et Hélène Disson à la musique. Dès le début, le metteur en scène a pris garde de ne pas imposer un regard masculin. Une véritable question d'équilibre. "Par exemple, pour les costumes... les filles étant en robe, on s'est aussitôt posé la question de la longueur et de l'échancrure ! Il fallait que les comédiennes soient à l'aise, sans se sentir exploitées pour leur image et en gardant malgré tout un côté relativement sensuel. On a travaillé sur les matières. Imposer une vision d'homme sur ce projet aurait constitué un non-sens".

Claude Romanet confie en outre que ce spectacle est aussi un moment très fort de sa carrière : "Je n'ose pas en parler comme d'une parenthèse, car il revêt une importance capitale à mes yeux. Disons donc qu'il s'agit d'une rupture inconsciente. Une amie metteuse en scène m'a parlé d'une gageure. C'est vrai que, pour la première fois, je ne fais pas une comédie à partir d'éléments biographiques ou de ressources documentaires. Je suis dans le registre du drame, que je n'avais jamais exploré. Oui, j'avais envie de me faire ce plaisir !" D'où une impatience bien légitime à savoir ce que le public, lui, voudra en retenir. "Je me dis qu'il pourra prendre du plaisir aussi. Les comédiennes, elles, s'éclatent, car leurs personnages ont de la profondeur. Ce ne sont pas seulement des archétypes. On passe beaucoup de temps en répétition à les défricher. On se fatigue, on doute. Parce que tout notre groupe est solidaire, cela fonctionne, pourtant... et j'espère donc que nous serons bientôt très entourés".

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Où voir la pièce prochainement ?

Les Demoiselles du pont seront donc au Théâtre Prémol demain, jeudi 31 mars, pour une première programmée à 20h30. Le spectacle sera ensuite repris trois fois, vendredi et samedi à 20h30 toujours, et dimanche à 18h00. Claude Romanet annonce également une probable participation au Festival de la Cour du Vieux Temple (en août ?) et d'autres dates espérées la saison prochaine. Toutefois, ces autres rendez-vous demandent encore à être confirmés avant officialisation.

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