Nacera Belaza, l'ombre et la lumière

Je vous l'ai déjà dit : la danse n'est pas la discipline artistique dont je parle le plus facilement. Il n'empêche que j'ai envie de la considérer avec le même intérêt que les autres, en saisissant toutes les occasions de la connaître un peu mieux. Saisir l'occasion : c'est précisément ce que j'ai fait il y a exactement dix jours, en répondant favorablement à une invitation à découvrir le travail de Nacera Belaza. La chorégraphe et danseuse franco-algérienne est venue sur la scène de la MC2 pour ouvrir un festival joliment nommé Transes-en-Danse. J'évoque le spectacle après coup : une fois n'est pas coutume...


En réalité, Nacera Belaza n'a pas proposé un, mais deux extraits de son répertoire au public de la salle René-Rizzardo. Avec La Nuit, un solo issu d'une pièce plus longue intitulée Le Trait, elle s'est d'abord présentée seule sur le plateau. Surprenante apparition à la clé : au début de ces vingt minutes de pure rêverie, la scène était encore plongée dans le noir. Elle ne s'est éclairée que très progressivement, l'accompagnement musical - et sonore - gagnant lui aussi en intensité pour suivre les pas d'une danseuse tourbillonnant sur elle-même, à l'image de ce que font les derviches tourneurs. D'emblée, l'artiste a ainsi gagné le pari lancé par la MC2, consistant à offrir au public un aperçu des états de conscience modifiés : de la transe au rêve, d'après les explications de Maxime Fleuriot, directeur adjoint de l'établissement culturel grenoblois. Ou peut-être de l'hypnose au trip, selon le ressenti de chaque spectateur. Un beau moment d'ivresse collective.


"Tout le processus de création sert à enlever ce qu'il y a en trop", justifie Nacera Belaza quand on l'interroge sur sa pratique. Ce qui ne l'empêche pas d'inscrire d'autres corps dans le mouvement : dans Sur le Fil, l'autre pièce qu'elle est venue interpréter sur la scène de la MC2, elle n'était pas seule, mais (bien) accompagnée par sa sœur Dalila et Aurélie Berland. De quoi assurer une très impressionnante sensation de vertige à l'observateur le plus chevronné : dans une pénombre relative, les trois danseuses produisent leurs mouvements en s'approchant petit à petit d'un rectangle blanc que la lumière matérialise au sol. Il faut tout d'abord que l'œil s'habitue à l'obscurité pour que l'on soit sûr qu'il y a plusieurs personnes autour de cette figure géométrique ordinaire. Par la suite, on peut par exemple s'imaginer porter le regard sur un territoire interdit. Tour à tour, les trois femmes finissent par le traverser à très vive allure, sans s'y arrêter vraiment avant le moment des applaudissements finaux. Comment comprendre alors les images quasi-subliminales qu'elles dessinent ? Je dois dire que je n'ai pas tellement cherché à analyser mon propre ressenti, jugeant souvent préférable que le spectacle vivant conserve une part d'ombre. Dans La Nuit et Sur le Fil, elle fait partie de son essence même. Je l'accepte : c'est bien ainsi. Nacera Belaza a repris son chemin en gardant certains de ses mystères. Il ne reste qu'à espérer son retour très prochain...

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Pour finir, mes remerciements...

Ils sont adressés aux auteurs des deux photos que j'ai utilisées aujourd'hui : j'ai nommé Carolina Farina et David Balicki.

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