Candide revisité

Je ne savais pas trop à quoi m'attendre en allant voir Candide à la MC2. Je m'étais simplement dit qu'il serait intéressant de découvrir ce spectacle d'Arnaud Meunier, son premier depuis son arrivée à la tête de l'institution grenobloise au début de l'année dernière. Avoir ensuite la possibilité d'échanger avec lui sur ce travail ne pouvait que me motiver à me "frotter" au fameux conte initiatique du grand Voltaire. Une précision importante à ce stade de ma chronique : je n'ai pas lu le livre ! C'est une lacune que je compte désormais réparer au plus vite. Il est le plus souvent judicieux d'ainsi revenir aux sources...


Avant cela, c'est avec curiosité et appétit que je me suis plongé dans ce que l'auteur appelle "le meilleur des mondes possibles". Avec, pour commencer, une belle surprise avant le lever de rideau : la présence sur scène de deux musiciens, l'un au piano (Matthieu Naulleau), l'autre à la batterie (Matthieu Desbordes), pour une ouverture étonnante et détonante. Objectivement, j'ai déjà vu des choses plus audacieuses au théâtre, mais cette idée rock'n'roll était plutôt bien trouvée. Néanmoins, sitôt la première scène entamée, j'ai bien compris qu'aucune liberté ne serait prise à l'égard du texte originel. Et apprécié combien, en 2022, la langue voltairienne restait d'une absolue modernité. Un beau - et grand - plaisir d'esthète !

Aussitôt embarqué, il ne m'aura pas fallu longtemps pour m'intéresser à la destinée de l'innocent héros de la pièce, banni d'un château de Westphalie pour avoir osé regarder d'un peu trop près la douce Cunégonde, jolie fille du maître des lieux. Sans le savoir encore, j'étais parti pour deux bonnes heures d'aventures autour du monde, avec les soldats de l'armée bulgare d'abord, puis vers maintes autres destinations, parmi lesquelles je peux citer la Hollande, la France, le Portugal, l'Amérique du Sud, Venise... et même l'Eldorado. Il m'a été agréable d'être "déniaisé" en même temps que le personnage principal, incarné par le remarquable Romain Fauroux. S'il y a une tête d'affiche dans ce spectacle, c'est lui, seul comédien auquel n'a été confié qu'un rôle unique. Sur la scène, hormis les musiciens que j'ai déjà cités, sept autres interprètes s'agitent pour donner vie à tous les autres protagonistes - une performance, car il y en a une bonne quarantaine au total ! Pour saluer leur talent, je vais les citer tous : Cécile Bournay, Philippe Durand, Gabriel F., Manon Raffaelli, Nathalie Matter, Stéphane Piveteau et Frederico Semedo. Sans oublier Emmanuel Vérité, dans une double apparition inattendue... en vidéo.


Les tribulations des uns et des autres donnent beaucoup d'ampleur à un spectacle porté par une mise en scène ambitieuse et flamboyante. L'enchaînement des nombreux tableaux n'a pas connu de temps mort et j'ai vraiment apprécié que chaque comédien ait à jouer le texte de son (ou ses) personnage(s). Un narrateur eût-il été utile ? Peut-être pas. Assurément, ce choix préserve la puissance d'un texte qui, paru en 1759, n'avait pas été imaginé pour les planches. Arnaud Meunier s'est bien entouré pour obtenir ce résultat, mais cela n'enlève rien à la beauté de certaines des séquences qu'il a conçues - exemple : une bataille où la fumée arrivée sur le plateau transforme les protagonistes en silhouettes fantomatiques. À l'inverse, j'ai été moins convaincu ensuite devant les effets visuels déployés pour simuler une tempête maritime. Mon seul vrai bémol concernera la musique ou plutôt l'habillage sonore : certaines notes jouées un peu fort m'ont ponctuellement empêché de bien entendre quelques répliques. C'est dommage, mais ce n'est pas grave : je crois que ma position reculée dans la salle a pu occasionner ce petit désagrément, qui n'a d'ailleurs pas gâché mon plaisir. Davantage familier des textes classiques que des écrits contemporains, je suis sorti de ce Candide avec un large sourire. Un moment de joie assurément très partagé : la troupe a ainsi dû revenir quatre fois afin de répondre aux bravos du public.

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Les dates et lieux des prochaines représentations :

- au Château Rouge d'Annemasse les 19 et 20 janvier,
- au Trident de Cherbourg-en-Cotentin les 26 et 27 janvier,
- au Théâtre de la Renaissance d'Oullins les 2, 3 et 4 février,
- au Théâtre de la Ville de Paris du 9 au 18 février (relâche le 13),
- aux Quinconces du Mans les 22 et 23 février,
- au Théâtre du Jeu de Paume d'Aix-en-Provence les 9, 10 et 11 mars,
- à la Comédie de Saint-Étienne les 23 et 24 mars.

Et en guise de post-scriptum...
Merci à Sonia Barcet : elle a réalisé les deux photos qui illustrent cette chronique et m'a autorisé à en disposer librement. J'en utiliserai une ou deux autres pour la mise en page de mon interview d'Arnaud Meunier, que je pense publier d'ici lundi.

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